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SIRPA AIR - A.Jeuland

Podcast avec Anne-Laure Michel: Plus Tard Je Serai Pilote de Chasse

Dans cette interview, découvrez le message inspirant d'Anne-Laure Michel, pilote de chasse. Elle encourage toutes celles et ceux qui rêvent de piloter un avion de chasse de tenter leur chance! Il y a tout à gagner et la France ne peut pas se passer du moindre pilote en devenir. Anne-Laure explique que l'on apprend tout du métier à l'armée et qu'il n'existe que très peu de pré-requis pour tenter sa chance.

Résumé du podcast

0:00 Introduction

0:20 Présentation du métier de pilote de chasse. Anne-Laure Michel est Colonelle dans l'Armée de l'air et cet été elle va prendre le commandement de la base aérienne d’Istres. Avant cela elle a été pilote de chasse pendant plus de 15 ans et elle continue de voler régulièrement. Elle décrit la journée standard d'un pilote de chasse: arrivée à l'escadron, préparation du vol, briefing avant la mission, vol et débriefing après la mission. Le débriefing est très important car il apprend l'humilité avec les choses à perfectionner, les choses à ne surtout pas refaire et les chose qui se sont bien passées. Lors des missions opérationnelles souvent hors de la métropole, le rythme est très soutenu avec parfois plusieurs vols par jour ou même au milieu de la nuit. Les vols en France sont plutôt destinés à l'entrainement avec la simulation de situations compliquées.

3:40 Les différentes voies d'accès pour devenir pilote de chasse. Anne-Laure Michel bat en brèche le cliché du métier inaccessible parce qu'il faudrait être fort en maths. Il existe de nombreux accès à différents niveaux pour devenir pilote de chasse, dès le bac et jusqu'à bac+5. Il ne faut pas forcément avoir suivi un cursus scientifique mais il faut passer un entretien de motivation, réussir des tests psychotechniques et psychomoteurs. L'armée de l'Air s'est d'ailleurs aperçue que, depuis que les accès sont ouverts aux non-scientifiques, beaucoup plus de femmes se présentent aux sélections.

5:30 Faut-il avoir une famille de pilotes? Beaucoup de membres de la famille d'Anne-Laure sont pilotes mais elle explique qu'il n'est pas nécessaire d'avoir "baigné" dans le pilotage pour devenir soi-même pilote. Son père était pilote de chasse lui aussi, mais elle n'a jamais volé avec lui dans le cockpit car il n'y a pas de place passager. Son contexte familial l'a forcément aidée à appréhender le monde militaire mais pas vraiment à voler.

6:49 Top Gun 2, c'est réaliste? Anne-Laure confirme que les scènes d'aviation ont été tournées en réel et sont très réalistes. Un pilote de chasse entraîné peut vraiment piloter un avion de cette manière. Au-delà d'être réalistes les scènes d'aviation sont carrément réelles car elles ont été tournées avec de vrais avions de chasse loués à l'armée américaine et les prises de vues dans les cockpits sont réelles car les acteurs y étaient installés avec un pilote professionnel aux commandes. Top Gun 2 donne donc une image très juste du pilotage d'un avion de chasse. Les avions de chasse sont donc très très maniables.

8:25 les prérequis physiques pour devenir pilote. Anne-Laure confirme qu'il est nécessaire de passer la visite médicale de l'armée de l'air pour pouvoir commencer la formation. Cette visite médicale porte sur les yeux, l'ouïe, le cœur mais aussi la taille des membres. De trop longues jambes peuvent par exemple être un frein car le cockpit est trop petit pour qu’un pilote avec de trop grandes jambes s'en éjecte en toute sécurité. En ce qui concerne la vue, une opération des yeux peut être envisagée. Tout dépend du niveau de l'acuité visuelle avant et après l'opération. Anne-Laure encourage tout le monde à tenter sa chance car l'armée ne peut se passer d'aucun talent.

9:55 Être une femme est-il un inconvénient? D'un point de vue physique, Anne-Laure explique que la résistance aux facteurs de charge (les jets) est surtout liée aux abdominaux, et les femmes ne sont pas moins fortes que les hommes à ce niveau-là. Les instructeurs d'Anne-Laure et de Virginie Guyot (ancienne pilote leader de la Patrouille de France) n'ont pas constaté une moins bonne résistance des femmes. Cela peut même être un avantage quand on est petite car le sang remonte plus vite au cerveau et on résiste donc mieux aux facteurs de charge. Anne-Laure explique que l'avantage d'être pilote est de moins solliciter son corps qu'un militaire qui doit porter un sac de 40 kilos sur 100 km. Dans un avion de chasse, être un homme ou une femme ne change rien.

11:42 Après la compétition, la cohésion. Pour réussir les sélections prévues pour chaque niveau d'accès, les aspirants sont parfois en compétition. Par exemple pour accéder à l'Ecole de l'Air et de l'Espace afin de devenir officier de carrière, il faut réussir le concours d'entrée. En revanche, une fois qu'un aspirant intègre la formation, le but est que tout le monde réussisse et aille au bout. Anne-Laure précise qu'il peut rester un aspect compétitif au sujet de la spécialité choisie par les aspirants car chaque année l'armée fixe un nombre de pilotes de chasse, de pilotes de ligne, de pilotes d'hélicoptères, etc. L'armée de l'air inculque vraiment l'esprit d'équipe et la cohésion car tout le monde doit se serrer les coudes.

14:23 Apprendre de ses erreurs et persévérer. Anne-Laure explique qu'il est indispensable de faire des erreurs et d'apprendre de ses erreurs. Un avion de chasse ne pardonne rien, c'est pourquoi il faut commettre toutes les erreurs possibles en entraînement lorsque cela entraîne des conséquences moins sérieuses . Elle dit aussi que lorsqu'elle était petite et qu'elle apprenait à skier, on lui disait que lorsqu'elle tombait, elle apprenait. Anne-Laure a gardé cette philosophie encore aujourd'hui et explique qu'il faut accepter de commettre des erreurs.

17:05 Motivation et persévérance. La formation pour devenir pilote dure 8 ans et l'échec est possible à tout moment. Heureusement, ces 8 ans de formation ne consistent pas juste à être assis dans une salle de classe car de nombreuses heures de vol sont prévues. Le premier vol se fait sur un petit avion, puis quelques temps après on apprend à piloter un avion plus performant et ainsi de suite jusqu'au Rafale. C'est la perspective de piloter un avion toujours plus performant qui a permis à Anne-Laure de maintenir ses efforts tout au long de sa formation. Sa motivation a reposé sur l'envie d'en apprendre toujours plus en termes de pilotage. Par ailleurs, les élèves participent aussi à des missions de l'unité pendant leur formation. Tout se fait progressivement et c'est ce qui aide à rester motivé(e). C'est en voyant ses aîné(e)s faire ce qu'elle ne savait pas encore faire qu'Anne-Laure s'est accrochée. Elle explique également que la culture du partage d'expérience est très ancrée dans l'armée de l'air. La tradition veut qu'en fin de journée tous les pilotes se retrouvent au bar de l'escadron pour partager leurs expériences.

19:28 Gestion de la peur. Anne-Laure explique qu'une des raisons pour lesquelles l'entraînement est si dur c'est justement pour que le pilote ne rencontre aucune situation de laquelle il ne sait pas se sortir. A partir du moment où le pilote a été entraîné pour savoir réagir dans toutes les situations, la peur est beaucoup moins présente. Evidemment, il est compliqué de se préparer au contexte des missions qui se déroulent sur des théâtres d'opération parfois très tendus. Anne-Laure explique que lorsqu'elle était en Afghanistan, son avion n'avait qu'un seul moteur qu'elle devait ravitailler en vol. Il peut arriver qu'un moteur avale une perche de ravitaillement, rentre en contact avec un oiseau ou soit touché par un obus tiré depuis le sol. Dans ce cas, le moteur s'arrête. Or, quand il n'y a qu'un seul moteur, cela suppose de devoir s'éjecter. Pendant cette mission où elle avait un avion à un seul moteur, Anne-Laure ressentait donc une sorte de pression, mais elle est donc restée très concentrée car elle savait qu'elle n'avait aucun droit à l'erreur. Cette appréhension se transforme en positif pour mener à bien la mission.

22:12 Les FAF's Angels. Avec d'autres femmes pilotes, Anne-Laure a dessiné un patch qu'elle porte sur sa combinaison où l'on peut voir l’ombre de trois femmes façon « Drôles de Dames ». Il y est écrit « FAF’s Angels », pour French Air Force Angels et « Don’t panic, women on stick ». Elles ont créé ce patch pour ses vertus humoristiques et pour rassurer les personnels masculins qui s'inquiétaient de les voir débarquer dans les escadrons. L'inquiétude des hommes était liée à l'inconnu et aux clichés. Les stéréotypes des femmes qui ne savent pas s'orienter dans l'espace a vite été balayé mais, d'après Anne-Laure, ces personnels masculins avaient l'habitude d'être toujours ensemble et de se comporter un peu comme en meute. L'arrivée des femmes a donc suscité des questions et des inquiétudes sur le fonctionnement à venir de cette meute. Par ailleurs, certains se posaient des questions sur les envies de grossesse de certaines femmes pilotes qui auraient pu désorganiser l'escadron. Toutes ces interrogations et inquiétudes ont finalement été gommées par les années et par les femmes qui ont fait leurs preuves.

24:47 L'arrivée des femmes dans l'armée de l'air. Lorsqu'elle est au lycée et qu'elle réfléchissait à son avenir, Anne-Laure s'imaginait plutôt pilote de ligne car le métier de pilote de chasse n'était alors pas ouvert aux femmes. C'est Caroline Aigle qui a ouvert la voie en devenant pilote de chasse en 1999. Avant cette date, le métier était administrativement fermé aux femmes. Grâce à Caroline, Anne-Laure s'est alors lancée dans la voie de la chasse via l'Ecole de l'Air car elle a toujours été attirée par l'idée de défendre son pays.

26:58 Le taux de femmes pilotes de chasse augmente-t-il en France? A la fin de sa formation, Anne-Laure était l'une des quatre femmes pilote de chasse en France. L'effectif a augmenté mais aujourd'hui il est toujours constitué des femmes qui ont débuté avec Anne-Laure, soit environ 3% de femmes pilote de chasse. Elle attribue ce faible taux à une question sociétale. Il faut travailler pour intéresser les femmes aux métiers masculins, aux métiers scientifiques et aux métiers à responsabilité. Anne-Laure estime qu'il manque des femmes dans de nombreux secteurs mais cela est accentué dans l'aviation de chasse car les femmes craindraient d'échouer à l’entrée ou pendant la formation, elles auraient une forme d'auto-censure. Anne-Laure pense que montrer des modèles de femmes qui sont épanouies dans leur métier et dans leur vie de famille aidera à rassurer les femmes et à susciter des vocations.

29:49 Pas d'écart de salaire entre femmes et hommes à l'armée, ni plafond de verre. Le site de recrutement de l’armée de l’air (devenir-aviateur.fr) présente comme argument à destination des femmes le fait que la solde est identique que l’on soit homme ou femme. A grade, poste et responsabilité égaux, il n’y a pas de différence de salaire entre hommes et femmes, à la différence du civil. Anne-Laure confirme qu'il y a une totale égalité de salaire entre hommes et femmes. Par ailleurs, elle n'a pas constaté l'existence d'un plafond de verre, au contraire car le Ministère des Armées a à cœur de promouvoir davantage de femmes. Le passage de grade des femmes se fait à égalité avec les hommes: il n'y a pas de plafond de verre, mais il n'y a pas de discrimination positive non plus.

31:51 Leadership. En tant qu'officier, Anne-Laure a une position de leadership. Cela lui a été appris pendant sa formation à l'Ecole de l'Air. Alors qu'elle n'avait que la petite trentaine, Anne-Laure a été commandante de détachement avec 60 personnes sous ses ordres en Afghanistan. Elle a ensuite commandé une unité d'un peu plus de 200 personnes et cet été elle va prendre le commandement de la base aérienne d'Istres où 5.000 personnes seront sous sa responsabilité. Elle est très enthousiaste à l'idée de ce commandement tout en étant consciente du défi que cela représente. Anne-Laure apprécie de quitter un peu l'Etat-Major pour retrouver le contact des équipes sur le terrain.

34:29 Les qualités pour commander. Anne-Laure pense que, du fait de leur éducation, les femmes apportent plus de compréhension dans un escadron de chasse et que, contrairement aux hommes, elles perçoivent les aspects humains qui peuvent expliquer certaines situations, certains échecs. En raison de son écoute et de son empathie, certains collègues surnommaient Anne-Laure "maman". Même si elle prenait ce surnom dans sa connotation positive, Anne-Laure reconnaît que l'utilisation de "maman" peut être dégradant surtout lorsqu'on est combattant où le maternage n'est pas du tout la première des qualités. Elle assume complétement ce surnom car en termes de leadership une mère peut aussi donner des bases de rigueur de professionnalisme et être dans l'écoute. En tant que leader, il est indispensable d'avoir de bonnes qualités humaines.

36:41 Pour ou contre la féminisation des grades? Anne-Laure s'est renseignée sur le sujet et il est possible de féminiser les grades. En ce qui la concerne, elle reste un peu traditionnelle et préfère le terme de "Commandant". Pour le grade de Colonel, aucune orthographe n'est imposée mais le masculin et le féminin (Colonelle) sont possibles. Anne-Laure préconise tout de même de conserver l'orthographe au masculin.

37:57 Bien choisir son partenaire de vie. C’est un métier très prenant qui nécessite un grand dévouement. Selon Anne-Laure, il est indispensable d'avoir un partenaire qui comprend le métier et qui partage la volonté de faire ce métier. Elle ne prend pas les décisions d'accepter telle ou telle fonction seule car pour mener à bien ces nouvelles fonctions, elle doit pouvoir compter sur son partenaire. Anne-Laure estime qu'il n'est pas possible de faire ce métier si l'on doit s'inquiéter de la personne qui s'occupe des enfants ou si l'on se fait reprocher de ne pas être souvent à la maison. Pour Anne-Laure, pas de difficulté car son mari est lui-même pilote de chasse. Il faut un tempérament particulier pour faire ce métier et Anne-Laure croit que la plupart des femmes pilotes de chasse ont elles-mêmes un partenaire pilote de chasse ou un poste équivalent. Désormais l'armée prend beaucoup plus en compte la situation du partenaire pour conjuguer les fonctions.

41:25 Vie de famille. Anne-Laure a deux garçons qu'elle a eu après sa période opérationnelle où elle était en opération à l’étranger au moins 4 mois par an. Elle estime qu'il n'y a pas de règle sur le moment de sa carrière pour faire des enfants. En ce qui la concerne, elle était très focalisée sur sa carrière opérationnelle et quand elle est passée à l'Etat-Major, elle a eu la chance de pouvoir avoir des enfants sans problème. Elle connaît aussi certaines femmes qui interrompent leur carrière opérationnelle pour mener à bien leurs grossesses sans briser leurs carrières. Après huit de formation, l'armée n'a de toute façon aucun intérêt à mettre au placard les femmes pilotes qui reviennent de congé maternité. Anne-Laure explique qu'il existe tout de même un contrat moral au sein de l'escadron et qu'une absence prolongée peut manquer à l'escadron.

43:22 Tenter sa chance. Anne-Laure attribue aussi le faible nombre de femmes pilotes de chasse au fait que beaucoup de femmes ne tentent pas leur chance parce qu’elles pensent qu’elles ne vont pas y arriver. Elle-même en tentant le concours d'entrée à l'Ecole de l'Air elle pensait avoir raté. En réalité elle a été prise et elle retient de cette expérience qu'il faut toujours tenter sa chance même si on pense que c'est perdu d'avance. A travers son témoignage, elle espère faire comprendre aux jeunes qu'il est dommage de ne pas tenter sa chance. En plus, Anne-Laure précise que l'engagement peut avoir une durée variable. En tentant l'Ecole de l'Air pour devenir officier de carrière, on s'engage pour 27 ans, en revanche pour une sélection entre bac à bac+5 les carrières peuvent être de 6, 8, 14 ans. c'est très modulable. Anne-Laure ajoute qu'il faut vraiment croire en ses rêves et en ses capacités.

46:59 La prochaine invitée du podcast? Anne-Laure admire beaucoup sa sœur qui est pilote de ligne et très sportive.