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Pauline Schmidt: Pilote d'avion de ligne

Pauline Schmidt a 37 ans et elle est pilote d’avion de ligne. Après avoir été copilote pendant plus de 10 ans à bord de vols longs courriers vers Tokyo, Santiago du Chili ou encore Vancouver, Pauline est désormais commandant de bord d’un Boeing 737 sur des vols moyen-courriers. Pauline a gentiment accepté de répondre aux questions de Plus Tard Je Serai.

Pauline, beaucoup de personnes se font une fausse idée des capacités nécessaires pour devenir pilote de ligne, peux-tu nous décrire ton parcours? 

J’ai d’abord fait un Bac S (avant la réforme du baccalauréat), ensuite Maths Sup, puis j’ai passé les sélections de l’ENAC (Ecole Nationale d’Aviation Civile) qui est l’un des rares concours ouvert aux étudiant ayant fait « uniquement » Maths Sup sans Maths Spé. J’ai été acceptée à l’ENAC en septembre 2002 où j’y ai suivi une formation pendant deux ans, puis en juillet 2005 j’ai passé les sélections d’Air France que j’ai réussies. Depuis cette date j’ai d’abord été copilote pour Air France et depuis 2 ans je suis commandant de bord chez Transavia.

Que préfères-tu dans ton métier? 

C’est surtout voler avant de voyager. Depuis que je suis commandant de bord et que je ne fais plus de vols long-courriers je dors chez moi quasiment tous les soirs et je fais un tour d’avion dans la journée, donc c’est l’idéal. J’adore ce métier pour pleins de raisons : la liberté ressentie en l’air, tous les jours sont différents et j’aime travailler avec un rythme de vie un peu décalé. Dans ma première compagnie aérienne c’était très rare que je recroise des gens avec lesquels j’avais déjà volé et c’était agréable de découvrir de nouveaux collègues à chaque vol. Ma nouvelle compagnie est beaucoup plus petite donc on se recroise et c’est aussi assez sympa. 

Ce qui est dur c’est de passer la nuit en vol sur les long-courriers. Il faut bien qu’il y ait des contraintes et la principale c’est la fatigue. Ce qui me manque le plus dans le long-courrier c’est quand je faisais escale à Vancouver. Avec le décalage horaire je me réveillais systématiquement à minuit, et mon bonheur c’était d’aller faire un footing à 4h les matins d’été. J’admirais le lever du soleil le long du Pacifique pendant ma course, seule au monde. Ensuite je reprenais mon avion pour rentrer à la maison en survolant le Groenland, c’était vraiment magique.

Tu as toujours eu envie de voler? 

Oui, depuis mes 9-10 ans. Je n’ai jamais eu d’élément déclencheur précis, en revanche ce qui est certain c’est que j’ai su tôt ce que je voulais faire. D’ailleurs mon meilleur souvenir de pilote c’est mon premier vol seule, le jour de mes 15 ans. Oui, en France on a le droit de piloter un avion avant de conduire une voiture. Tous les gamins comme moi qui savent très tôt ce qu’ils veulent faire comme métier ont moins de pensées limitantes vis-à-vis de leurs capacités pour y arriver et ils savent s’orienter comme il faut. Je trouve ça dramatique quand je vois des lycéens qui n’ont pas d’envie ou aucune idée de ce qu’ils veulent faire. 

J’ai aussi la chance d’avoir eu des parents qui m’ont soutenue. Ils auraient préféré que je fasse une école d’ingénieurs avant de devenir pilote mais il n’y avait pas de barrières. J’ai grandi dans un milieu où tout était possible et à la maison personne n’a essayé de me dissuader de faire ce métier. J’ai aussi eu la chance de ne jamais avoir croisé quelqu’un à l’extérieur qui m’aurait dit « attention ce sera dur, en plus tu es une fille ».

Cela aurait-il changé quelque chose si quelqu’un t’avait dit que ce serait dur pour une femme d’y arriver? 

Je pense que pour l’objectif final cela n’aurait rien changé parce que j’étais assez déterminée. Cependant, je pense que ça aurait peut-être changé mon parcours. Je n’ai jamais vécu comme une difficulté le fait d’être une femme. En revanche, pour certaines femmes pilotes, notamment les premières dans ce métier et qui ont dû surmonter des obstacles pour cela, on sent qu’elles ont dû essuyer des remarques au cours de leur vie et elles essayent de compenser pendant le travail et ce n’est jamais agréable. 

L’argent est-il un frein au rêve de devenir pilote?  

Les heures de vol en aéroclub coûtent cher mais savoir voler n’est pas un prérequis pour commencer une formation de pilote. L’ENAC est gratuite et la filière Cadets d’Air France permet de devenir pilote avec une formation gratuite tout en recevant entre 80% et 100% du SMIC pendant la formation. Parmi les candidats recrutés certains n’ont aucune heure de vol au compteur, d’autres ont seulement 3-4 heures de vol qu’ils se sont fait offrir pour les anniversaires. L’argent n’est pas une vraie contrainte, seule la volonté compte.

Quelle est la proportion de femmes pilotes? 

Dans ma promotion à l’ENAC nous étions 42 dont 5 filles. Cela fait une proportion d’à peu près 10% chaque année, idem pour Air France qui recrute environ 10% de femmes pilotes via sa propre plateforme de recrutement. Cette proportion est la même depuis 20 ans, ça ne change pas tellement.  

Comment expliques-tu qu’il y ait si peu de femmes pilotes? Voler intéresse moins les femmes? 

Non, je pense que c’est beaucoup lié à l’image que les gens se font du métier de pilote : c’est plutôt un métier d’homme. Ma mère exerce sa profession dans un milieu plutôt masculin et je ne me suis jamais posé la question de : « est-ce que c’est pour les filles ? ». 

En revanche, beaucoup d’autres se posent cette question car on me demande souvent : « Pilote ce n’est pas trop dur pour la vie de famille ? ». Je leur réponds que j’ai exactement la même vie que les autres personnels navigants qui sont aux deux-tiers des hôtesses. C’est assez drôle de constater que cela ne choque personne que des femmes aient les mêmes contraintes de métier que moi du moment qu’elles sont hôtesses. En revanche, quand il s’agit d’une femme pilote, là les gens se posent la question de la conciliation du métier avec la vie familiale. C’est d’autant plus absurde qu’en tant que pilote, on a des moyens supérieurs aux hôtesses de l’air ce qui rend encore plus facile l’organisation de la garde des enfants. 

Cette question sur la conciliation avec la vie de famille seulement à partir du moment où on est pilote est toujours très bizarre et cela dénote surtout d’une méconnaissance profonde de mon métier car beaucoup de métiers qui sont faits en majorité par des femmes aujourd’hui nécessitent de s’absenter de leur domicile ou d’avoir une large amplitude horaire comme les infirmières. 

Je suis passée commandant de bord il y a deux ans et j’aime toujours être présente à l’embarquement pour accueillir mes passagers. Je constate leur réaction quand ils comprennent que c’est moi le pilote et ça ne laisse toujours pas les gens indifférents de voir une femme commandant de bord. J’ai des remarques pratiquement à tous les vols.

Ces remarques c’est plutôt de la curiosité ou de l’inquiétude? 

Il y a de tout. En général il y a systématiquement un vieux monsieur qui va faire une remarque désagréable mais il y a aussi des commentaires très positifs surtout de la part de femmes pour les vols vers les destinations du Maghreb. Elles sont souvent très contentes de voir que c’est une femme qui est commandant de bord. En tout cas ce qui est sûr c’est que ça ne laisse pas indifférent. Comme chaque année on fait un vol 100% féminin pour le 8 mars mais dans l’imaginaire collectif «pilote», c’est un homme.

D’ailleurs je pense que la raison pour laquelle nous ne sommes que 10% et ce qui empêche les filles de faire ce métier c’est surtout une question d’image. Il n’y a pas de raison pourtant. C’est vrai qu’il y a 60 ans, pour être pilote de ligne, il fallait de la force physique et en plus il y avait tout le côté militaire qui rendait le métier plutôt masculin. En revanche, depuis 40 ans il devrait y avoir une entrée des femmes dans la profession mais on reste toujours bloqué à cette proportion de 10%.

N’existerait-il pas une sorte de discrimination à l’embauche de la part des compagnies aériennes qui ne veulent pas de femmes pilotes?

Non au contraire. S’il y a une discrimination elle est plutôt positive. Par exemple Easyjet avait fait une campagne pour inciter les filles à devenir pilotes car cette compagnie considère que c’est un problème de ne pas avoir assez de femmes pilotes. Certaines pilotes se sont même déplacées dans les lycées pour casser l’imaginaire collectif et montrer qu’une femme peut être pilote. Il faut montrer aux filles que c’est possible. 

J’ai l’impression que tout le monde est prêt à ce qu’il y ait plus de femmes pilotes et pourtant les effectifs stagnent à 10% depuis 20 ans. Penses-tu que cela résulte du parcours nécessaire pour faire ce métier qui est très orienté scientifique?

Oui cela doit jouer un peu mais de moins en moins j’ai l’impression. Même si nous étions minoritaires en Maths Sup, il me semble que la parité est quasiment atteinte en Terminale S maintenant. Je pense qu’il suffit de montrer des exemples de femmes pilotes.

J’ai donné des cours de maths au lycée il y a quelques années et le mercredi après-midi je donnais des cours pour le BIA (brevet d’initiation à l’aéronautique) qui est un diplôme qui peut se passer dès 13 ans. Plus de la moitié de mes étudiants étaient des filles et je suis sûre que c’est lié au fait que ce soit moi, une femme, qui donnait les cours. Si ça avait été un homme, je suis persuadée qu’il n’y aurait pas eu autant de filles. Il faut des modèles car les filles sont tout autant intéressées que les garçons.

As-tu déjà ressenti une sorte de rivalité avec les hommes ? Etaient-ils sur la défensive quand ils t’ont vue arriver à l’ENAC ou chez Air France ? 

Je ne l’ai jamais ressenti frontalement. En plus d’être une femme j’ai commencé très jeune et je suis retombée sur des photos de mes début à 20 ans et c’est vrai que je faisais vraiment très jeune, mais ça s’est toujours bien passé. Par ailleurs, évoluer dans un milieu masculin ne me dérange pas même si j’apprécie beaucoup voler avec des femmes car c’est différent. 

J’ai quand même rencontré quelques commandants de bord de l’ancienne génération qui n’appréciaient pas vraiment de voler avec les femmes parce qu’ils n’acceptaient pas de voir qu’une femme pouvaient faire aussi bien, voire mieux qu’eux. Pour ma part, je n’ai eu qu’une seule très mauvaise expérience, une seule en 15 ans de carrière. Le fait que les femmes pilotent est parfaitement accepté de nos jours et bien sûr que tout comportement qui irait dans le sens inverse ne serait pas accepté par la compagnie. Il reste peut-être quelques pilotes que cela gêne mais ils se taisent.

Que pourrais-tu dire aux enfants qui ne savent pas encore ce qu’ils veulent faire de leur vie ou qui le savent mais qui pensent que c’est inatteignable ? 

Dans mon avion quand il y a des enfants qui veulent voir le cockpit je leur montre et je leur dis de ne pas hésiter à tout faire pour exercer ce métier. Quand on a envie tout est faisable, on dit souvent que les cockpits sont remplis de gens têtus. Ceux qui veulent devenir pilote finissent par y arriver.

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